Charleston Sud by Conroy Pat

Charleston Sud by Conroy Pat

Auteur:Conroy, Pat [Pat, Conroy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2009-10-14T16:00:00+00:00


15

Le Tenderloin

Dimanche nous tombe dessus, non comme un jour de repos, mais plutôt comme une journée mélancolique et somnolente, au mieux de loisirs forcés. Depuis que je suis gamin, le jour du Seigneur est source d’angoisse, d’anxiété ; les chocottes du dimanche après-midi me laissent toujours l’empreinte d’une main au milieu de l’estomac. Je me rends à une messe matinale, puis retrouve la maisonnée réunie autour de la table du petit déjeuner. J’ouvre l’Examiner and Chronicle du dimanche, le feuillette pour trouver la page de la chronique de Herb Caen et lis son œuvre intitulée « La reine de Sheba ». Sa réputation ne ment pas. Tout son papier loue les efforts héroïques de Sheba Poe, déesse du sexe, pour localiser son frère jumeau, Trevor, disparu dans le monde clandestin et dévasté du sida.

Sheba ouvre un énorme paquet de prospectus qui viennent d’arriver de Los Angeles. La photo d’un Trevor dans la fleur de l’âge m’émeut profondément. « J’ai engagé une meute de scouts pour en distribuer partout en ville, nous explique Sheba. Un portrait magnifique. Trevor me ressemble, vous ne trouvez pas ? »

Dehors, le chauffeur de maître klaxonne trois fois dans la limousine. « Murray va nous emmener à Powell Street, dis-je.

— Pourquoi ne restons-nous pas ici ? On pourrait picoler au bord de la piscine ? propose Sheba. Je n’aime pas les sorties éducatives organisées par Crapaud.

— Elle sera intéressante, promets-je. Ensuite, on va déjeuner, on rentre et on traîne dans l’eau.

— Qu’y a-t-il à Powell Street ? m’interroge Fraser.

— Une surprise… Mais une surprise que vous apprécierez. »

Arrivé à Powell Street, Murray lève les yeux au ciel en apprenant que je force mes amis à prendre le funiculaire qui traverse la ville vers Fisherman’s Wharf. J’ai d’ailleurs l’impression qu’ils vont se mutiner quand ils abandonnent en grommelant la luxueuse limousine pour rejoindre une masse compacte de touristes équipés d’appareils photo qui attendent l’arrivée de la prochaine cabine. Dans la précipitation, je parviens in extremis à grimper à bord en attrapant le garde-corps. Je m’y accroche comme à la vie. La foule joyeuse salue l’ascension difficile de la colline. Au sommet de Powell Street, j’observe la baie couronnée de blanc animée par le joli sillage des yachts et des voiliers. Mais je prends conscience du risque, un danger pesant, lorsque je me rends compte que je n’ai pas la place pour changer de main ou pour poser mon pied droit suspendu lamentablement au-dessus de la marche. Après avoir dépassé Chinatown, ses parfums de soupe won-ton, de sauce de soja et de rouleaux de printemps, et entamé le plongeon vertigineux vers la baie, je commence à craindre que ma géniale idée d’un voyage en funiculaire ne se transforme en une menace sérieuse pour ma vie.

Au milieu de l’une des portions les plus raides de la descente, par-dessus le halètement du câble qui me fait songer à un être vivant, j’entends une femme qui vocifère. Pire, je reconnais sa voix. « Putain ! Vire ta main de mon sac, connard ! »

Les touristes, le machiniste, le conducteur et moi, nous immobilisons.



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